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Un locataire peut-il remettre les clés à son bailleur sous le paillasson?Cass Civ Pourvoi N°13-20544

20-07-2015
Rendre les clés signifie restituer  la chose louée.
 
La remise des clés libère le locataire de son obligation de  payer une contrepartie à la jouissance des lieux. Dans cet  arrêt , la Cour de cassation rappelle que cette remise doit être faite au bailleur en personne ou à un mandataire dûment habilité à les recevoir ; le dépôt des clés sous le paillasson ne saurait caractériser une remise des clés au  bailleur.
 
Pour rappel, la loi ALUR a désormais précisé les modalités de remise des clés : celle-ci doit s’opérer en main propre ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au bailleur ou à son mandataire (loi du 6.7.89 :art. 22, al. 3)
 
 Cette question est particulièrement importante car elle entraîne d’important contentieux aux enjeux financiers non négligeables.

En effet, tant qu'elle n'a pas été effectuée, et même si le locataire a quitté les lieux, celui-ci reste tenu du paiement d'indemnités d'occupation, des dégradations causées à la chose et, plus généralement, de toutes les obligations du bail.

Ce n’est qu’à partir de la restitution des clés qu’un appartement est juridiquement considéré comme libre de toute occupation. En matière de baux d’habitation, la date de restitution des lieux est celle de la remise des clés (art. 3 de la loi du 6 juillet 1989 ).Il s'agit d'une disposition d'ordre public de protectrice du locataire

En raison du caractère intuitu personae du contrat de bail, la restitution des clés doit en principe être opérée entre les mains du bailleur.

La remise des clés par dépôt dans la boîte aux lettres du propriétaire ou de la gardienne de l’immeuble ne vaut pas restitution des clés et ne vaut pas preuve de la libération effective des lieux loués (CA Lyon, 6e ch., 14 mars 2001 ; CA Paris, 6e ch, B, 9 oct. 1997).

Bien évidemment, le bailleur ne peut se refuser abusivement à recevoir les clés et retenir le dépôt de garantie en conséquence (Civ. 3e, 19 déc. 2000).
Il ne peut pas non plus subordonner l'acception des clés à la constatation de la remise en état de l'appartement (Civ. 3e, 18 oct. 2005).
Il ne peut pas non plus décider de reporter leur restitution à la date d'établissement du constat des lieux par huissier (Paris, 6e ch. C, 13 janv. 1998).


Il est admis que la restitution des clés puisse être effectuée entre les mains du mandataire du bailleur, par exemple au gérant d'immeuble.Le mandataire peut aussi être l'huissier de justice chargé par le bailleur de réaliser l'état des lieux de sortie (Civ. 3e, 27 sept. 2005) ou le concierge de l'immeuble, mais uniquement si le bailleur l’a habilité à cet effet (Civ. 3e, 13 nov. 1997).

Il a ainsi été jugé que le locataire qui remet les clés à la concierge qui est une salariée du bailleur mais qui n’a reçu aucun mandat spécil à cet effet, ne respecte pas ses obligations (CA Versailles, 1re ch., 19 mars 1999).Il en est de même d’une agence immobilière qui n’a pas reçu mandat pour assurer la gestion de la location (Civ. 3e, 13 nov. 1997).Le locataire qui quitte les lieux avant l'expiration du délai de préavis et donne les clés à un huissier qu'il a personnellement mandaté pour établir l'état des lieux reste lui aussi redevable des loyers dus postérieurement à son départ (Civ. 3e, 23 juin 2001).

Toutefois, dans certaines situations, le locataire peut, à titre exceptionnel, invoquer l'existence d'un mandat apparent.
Tel sera le cas lorsque le preneur aura remis les clés au gardien de l'immeuble, même si ce dernier n'était pas mandaté par le bailleur, dès lors qu'il a pu paraître comme tel aux yeux du locataire en raison du fait que les clés lui avaient été remises le jour de la prise de possession des lieux par cette même personne (CA Paris, 6e ch. B, 20 nov. 1997).
 
Le locataire ne saurait se contenter de restituer les clés de la porte principale sans restituer au même moment les clés d’un local annexe, ou d’une boîte aux lettres.
De même, elle doit porter sur l’ensemble des trousseaux utilisés. Ainsi, le locataire qui laisse son concubin dans les lieux et qui ne remet que ses propres clés, laissant les autres à la disposition de ce dernier, manque à ses obligations contractuelles et doit réparer le préjudice subi par le bailleur du fait du non-paiement des loyers par le concubin (CA Bordeaux, 5e ch., 22 juin 1989).

Les clés sont portables et non quérables et il n'appartient pas au bailleur de venir les récupérer (CA Paris, 6e ch. A, 17 juin 1987).
Le bailleur n’a pas l’obligation de faire preuve de diligence particulière pour récupérer les lieux loués (Civ. 3e, 15 juin 2004).Le principe étant celui d'une habilitation du tiers à réceptionner les clés au nom et pour le compte du bailleur, le locataire ne peut se contenter de restituer les clés à l’avocat du bailleur ou à son notaire (CA Dijon, 18 oct. 2002) qui ne peuvent être considérés comme mandataire dûment habilité à cet effet .Il ne peut également les remettre au concierge de l’immeuble ou à l’huissier chargé d’effectuer l’état des lieux (Cass. Civ. 3e, 13 juin 2001), et encore moins à un voisin (CA Lyon, 25 juin 2002).

Toute remise des clés à une autre personne, non mandatée par le bailleur, ne sera pas prise en compte par les juges (CA Paris, 6e ch. A, 12 mai 1972)
 
La remise des clés doit normalement avoir lieu à l'expiration du bail généralement la date de prise d’effet du congé donné soit par le bailleur soit par le locataire (après respect du délai de préavis).


La restitution anticipée des clés ne permet pas au locataire d'échapper aux obligations nées du bail.Si les lieux ne sont pas reloués entre le moment de la restitution et l’expiration du délai de préavis, le preneur est obligé de payer les loyers jusqu’à cette date (Paris, 14e ch. C, 26 janv. 1996).
Toutefois, si entre temps le lieu est donné à bail à un autre locataire, le preneur n’est tenu de payer les loyers et charges que jusqu’à la date effective de remise des clés (art. 15-I de la loi du 6 juillet 1989).

La remise tardive oblige le locataire au paiement de sommes supplémentaires.Par exemple, si le locataire remet les clés au propriétaire six jours après la fin du bail, il doit payer les six jours supplémentaires sauf s’il démontre que la restitution tardive est imputable au propriétaire (CA Versailles, 1re ch., 25 sept. 1998).

Toutefois, le locataire peut se prévaloir d’un état des lieux de sortie constatée par huissier qui, dans l’hypothèse d’une restitution tardive des clés, lui permettrait de ne pas être redevable de sommes supplémentaires (art. 3 de la loi du 6 juillet 1989). 

La preuve de la restitution des clés au bailleur incombe au locataire sortant  qui ne peut se prévaloir d'un envoi des clés en lettre recommandée pour se décharger de toute responsabilité envers le propriétaire .
 
En vertu de cette disposition, c’est au locataire de prouver qu’il a bien rendu les clés.

Ainsi, le locataire qui ne démontre pas avoir restitué les clés peut être condamné à rembourser au bailleur les sommes qu’il a exposées pour récupérer son bien (CA Pau, 2e ch. 1, 15 janv. 2009 ; CA Lyon, 10 mars 2009).

Le fait que le bailleur ait gardé un double des clés n’a aucune conséquence sur ces dispositions (CA Montpellier, 14 juin 2007).
 
Pour éviter tout problème, il est recommandé au locataire de rendre les clés en mains propres au bailleur (ou au mandataire de celui-ci dûment habilité) en lui demandant un récépissé faisant état de l’intégralité de la restitution des clés ainsi que de sa date.

Le locataire peut il restituer les clés par lettre recommandée ?
 
Il est de principe que les clés sont portables mais non quérables. Ce qui signifie que le bailleur n’a pas, en principe, à se déplacer pour les récupérer, du moins, il n’a pas à « courir » après le locataire pour récupérer les clés de son bien.

De ce fait, un certain nombre de locataire pourrait invoquer ce principe pour justifier une restitution des clés par lettre recommandée qui permet de prouver la date de la restitution grâce à l’accusé de réception.

Cependant, sauf accord en ce sens du propriétaire, l’envoi par lettre recommandée ne constitue pas une remise en mains propres des clés au bailleur ou à son mandataire (CA Rennes, 4e ch., 20 avr. 2006).

 Le locataire qui prétend avoir remis les clés par envoie postal peut donc être condamné à payer des indemnités d’occupations au bailleur (TI Puteaux, 6 juill. 2010).
Peu importe que le bailleur ait pu, par d’autres moyens, avoir accès aux lieux pris à bail (CA Lyon, 6 sept. 2005).

Que se passe-t-il si les clés sont perdues par les services postaux ?

Si, et uniquement si le bailleur a donné son accord pour se voir restituer les clés par voie postale, le locataire a la possibilité d'engager une action récursoire en responsabilité contre cette dernière pour d'obtenir l'indemnisation intégrale du préjudice subi, c'est-à-dire le remboursement du prix des clés mais aussi celui des indemnités d'occupation qu'il aura été contraint de verser au bailleur (Cass. Com. 22 oct. 1996 ; Cass. Ch. Mixte, 22 avr. 2005).

 
Plus d'infos:
 
 
FICHES INC J 181   LE CONGE DONNE PAR LE LOCATAIRE 
 



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