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Stagnation séculaire : les investisseurs face à une nouvelle donne

11-02-2016
Larry Summers, candidat malheureux à la présidence de la Réserve fédérale, a lancé un pavé dans la marre : les économies développées sont tombées, après la Grande Récession de 2008-2010, dans une phase de stagnation séculaire. 
 
Ancien secrétaire au Trésor américain il a qualifié de « stagnation séculaire » une période de croissance structurellement peu vigoureuse caractérisée par une demande insuffisante. Il semble difficile de contester que nous sommes dans cette situation, et le ralentissement de la Chine, deuxième économie mondiale n’y est pas étranger.
 
Plus globalement, ce qui caractérise la stagnation séculaire est le déséquilibre entre une épargne surabondante et un investissement en diminution. Or lorsque de telles conditions sont amenées à perdurer, il devient évident que l’excès de liquidités en quête d’actifs trop peu nombreux conduit naturellement à une compression des taux d’intérêt. C’est d’ailleurs, dans un autre domaine, cette même mécanique qui affecte les emprunts d’États allemands, où l’équilibre budgétaire contribue à fortement restreindre les émissions de dette face à une importante demande de rendement sans risque…
 
Parmi les éléments concourant à une épargne mondiale en augmentation figure la démographie qui dans les pays développés voit une part grandissante de la population épargner sous l’effet du vieillissement. Un autre phénomène œuvre également sur l’épargne, de l’accroissement des inégalités entre les populations les plus riches et les autres et la concentration des richesses qui en résulte. Le pourcentage d’épargne augmentant avec les revenus, le taux d’épargne global augmente lui aussi. Enfin, les pays émergents ont largement contribué à la hausse de l’épargne mondiale par d’importants excédents de leurs balances courantes qui n’ont pu être intégralement réinvestis localement. 
 
Il n’est pas rare qu’après une crise économique de l’ampleur de celle de 2008, émergent des prévisions économiques pessimistes, voire alarmistes. 
 
Ce fut le cas par exemple de l’économiste Alvin Hansen en 1938. Inventeur de cette terminologie déprimante, il s’inquiétait déjà du moindre rôle que pourraient jouer les moteurs habituels de la croissance : les inventions, la découverte et le développement de nouveaux territoires et nouvelles ressources, et la croissance de la population. L’histoire lui a donné tort. 
 
Les économistes Reinhart et Rogoff ont  recensé plus d’une centaine d’épisodes de crises financières. Ils montrent que les pays avancés ne se distinguent pas des économies émergentes lorsque l’origine de la crise est liée à un excès de crédit. Les politiques économiques traditionnelles ne sont pas efficaces pour lutter contre les effets négatifs de l’excès d’endettement – qu’il soit privé ou public.Quelques réformes et "un peu" d’austérité financière ne suffisent pas!  La conclusion des auteurs est qu’en l’absence de mesures plus draconiennes comme la restructuration de la dette, une inflation plus forte et de la répression financière il n'y a point de salut.
 
La confiance en la vigueur des fondamentaux des pays développés a fait peu à peu place au doute sur la croissance mondiale, sous l’effet du ralentissement notable de la Chine. Il est vrai que la reprise économique est inhabituellement peu vigoureuse,la faute aux pays émergents ?
 
Pas seulement, l’Europe hors Royaume-Uni restant engluée dans la morosité économique. Plus globalement, les six pays les plus développés affichent des taux de croissance bien inférieurs à ceux des cycles précédents. L’autre fait caractéristique de la situation exceptionnelle que nous vivons et qui tend à fortement compliquer la vie des investisseurs, est la persistance des taux bas, des rendements obligataires comme des taux directeurs. Cet état de fait s’explique notamment par la faiblesse de l’inflation, qui justifie une moindre exigence des investisseurs en termes de rendements nominaux.
 
Mais l’inflation n’explique pas tout, et si on l’élimine de l’équation, on constate que les taux demeurent historiquement bas, partout dans le monde. 

La Chine a vu ses réserves multipliées par vingt à 3 561 milliards de dollars entre 2000 et 2015 et détient désormais plus de 20 % de l’ensemble du marché des emprunts d’état américains.
 
La diminution des investissements à l’échelle mondiale est quant à elle largement influencée par la baisse des prix des biens d’équipement et des machines.
Étant désormais possible de produire plus avec moins, on comprend aisément ce phénomène qui n’est pas négatif en lui-même.
Nous observons ainsi que les entreprises sont parvenues à augmenter leur rentabilité plus rapidement que leurs investissements. Autre élément expliquant la baisse des investissements, dont les investisseurs avisés ne manquent pas de tirer parti, est la propension croissante des entreprises à investir leurs excédents de trésorerie dans les dividendes ou les rachats d’actions.
 
La première conséquence de cet environnement est la persistance de rendements obligataires bas, mais les investisseurs ont déjà largement éprouvé cette nouvelle réalité obligataire.
 
Une croissance mondiale et une inflation trop faibles ont poussé la FED puis la BCE de fixer leurs taux directeurs très bas. Sages décisions qui posent néanmoins question. Ces flots de liquidités déversés dans l’économie et qui bénéfi cient plus à l’épargne qu’à l’investissement ne contribuent-ils pas à la persistance de ce contexte déflationniste, de croissance et de taux faibles qui domine aujourd’hui ? 
 
Plus d'infos:
 
Caractéristiques et dynamique de l’équilibre de stagnation séculaire / OFCE / JANVIER 2016 / Gilles Le Garrec et Vincent Touzé 
 
 
 
 



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