01-03-2016
En quoi consiste la réforme de la fiscalité agricole ?
"Dans un objectif de simplification et d’harmonisation de l’imposition des petites entreprises, la fiscalité des revenus agricoles a été réformée par la loi de finances rectificative pour 2015.
Le forfait agricole est désormais remplacé par un régime d’imposition « micro-BA».
Cette réforme entre en vigueur à compter de l’imposition des revenus 2016, c'est-à-dire sur les revenus de cette année. L’ancien régime du forfait est maintenu pour les revenus de l’année dernière qui doivent être déclarés cette année.
Le régime du forfait mis en place en 1949 était le seul régime d’imposition existant encore sous cette forme. En matière de bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et de bénéfices non commerciaux (BNC), les régimes forfaitaires ont été remplacés depuis plusieurs années par des régimes « micro », selon lequel le revenu imposable est égal au chiffre d’affaires réel diminué d’un abattement forfaitaire représentatif des charges.
Le régime du forfait était caractérisé par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires pour chaque nature de cultures ou d’exploitations, d’un bénéfice moyen à l’hectare en fonction de la valeur des récoltes ou des autres produits de la ferme (nombre de ruches, d’animaux vendus, d’hectolitres de vin récoltés, etc…) et des frais et charges d’exploitation.
Ce bénéfice moyen était ensuite appliqué à chaque exploitation généralement proportionnellement à sa superficie
La détermination de ce bénéfice forfaitaire résultant d’un long processus réunissant l’administration fiscale et la profession au sein de commissions départementales induisait une gestion complexe et coûteuse pour l’administration (coût de gestion supérieur à 10 %).
On arrivait ainsi à 8000 forfaits distincts par an en France!"
Comment cette réforme va-elle être mise en forme cette année ?
"Cette réforme est l’aboutissement d’une longue réflexion notamment au sein des Assises de la fiscalité qui se sont tenues en 2014, puis de la commission parlementaire qui a déposé son rapport en avril 2015.
Elle a pour objet, comme on l’a vu d’aligner la fiscalité agricole sur les autres régimes d’imposition, sans pour autant l’alourdir. Cette réforme doit normalement se faire à pression fiscale et sociale constante.
La mise en place d’un régime « micro BA » consiste, dans ses grandes lignes, à retenir la moyenne des recettes des trois dernières années et d’y appliquer, pour déterminer le bénéfice imposable de l’exploitant,un abattement forfaitaire de 87% représentatif des charges et ce, quelle que soit nature de la production.
Ce mode de calcul des recettes permet de tenir compte de leur forte variabilité d’une année sur l’autre et donc de lisser la base d’imposition.
Les agriculteurs doivent tenir et, sur demande des services des impôts, présenter un document donnant le détail journalier de leurs recettes professionnelles ainsi que les factures et toute autre pièce justificative de ces recettes.
- Ce régime s’applique aux exploitants dont la moyenne triennale des recettes est inférieure à 82 200 € HT et ce seuil sera indexé chaque année dans les mêmes proportions que le barème de l’impôt sur le revenu ;
- A la différence des régimes micro-BIC et micro-BNC, il n’exclut pas l’assujettissement à la TVA ;
- La transparence des GAEC sur le seuil de recettes est conservée ; le plafond est porté à 82.200 € multiplié par le nombre d’associés et ce jusqu’à quatre associés, soit 328.800 € HT. Le plafond restera celui-ci même si le GAEC comprend plus de quatre associés.
Les autres structures sociétaires restent exclues du régime du micro-BA.
Il est important de préciser que contrairement au régime du forfait qui interdisait le retour au forfait lorsque les recettes d’une année avaient dépassé le plafond de 76.300 € TTC et entraîné une imposition au réel, le micro-BA permet le retour à ce nouveau régime après une imposition au réel.
De plus, comme par le passé, certaines activités sont obligatoirement imposées selon le régime du réel, quel que soit le montant des recettes comme notamment les revenus provenant de la mise à disposition de droits au paiement de base, ou de la vente de production d’énergie à partir de produits ou sous produits majoritairement issus de l’exploitation.
Enfin sont exclus du micro-BA les exploitants imposables selon le régime du bénéfice réel pour des bénéfices ne provenant pas de leur exploitation agricole, ce qui interdit l’application concomitante du micro-BA et du réel BIC.
Selon l’Administration, les économies de coût de gestion générées par la réforme, évaluées à 8 millions d’€ environ, doivent êtres réaffectées en direction des secteurs les plus impactés par la réforme et plus précisément pour le surcoût des cotisations sociales."
La mise en œuvre du micro BA est prévue pour quelle date ?
"Le régime du micro-BA s’appliquera à compter de 2017 pour l’imposition des revenus 2016.
La première année, s’agissant d’une moyenne triennale, seront pris en compte les forfaits 2014 et 2015 et les recettes 2016 abattues à hauteur de 87%.
En 2018, seront pris en compte le forfait 2015 et les recettes 2016 et 2017 abattues à hauteur de 87%. Et en 2019, sera retenue la moyenne des recettes 2016, 2017 et 2018.
Quel autre changement fiscal majeur affecte le monde agricole ?
"La LFR 2015 a par ailleurs assoupli les conditions d’utilisation du dispositif de déduction pour aléa (DPA). Il permet de subir moins fortement les risques climatiques ou de marché.
Ce dispositif permet aux exploitants soumis au régime du bénéfice réel de procéder sur leur revenu imposable à une déduction pour aléa (économique ou climatique) de 27.000 € maximum (qui peut être augmentée dans certains cas).
La moitié de la somme ainsi déduite doit être inscrite sur un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit. La somme ainsi affectée produit intérêt et les intérêts qui sont capitalisés, ne sont pas imposables.
La LFR oblige les exploitants à avoir en permanence une épargne professionnelle égale à 50 % de l’encours de DPA disponible. Si cette obligation n’est pas respectée, la fraction de DPA non utilisée qui excède le double de l’épargne devra être rapportée au résultat majorée de l’intérêt de retard (4,8 % par an).
L’épargne utilisée est réintégrée dans les bénéfices de l’année d’utilisation. Elle doit être utilisée dans les sept années qui suivent l’exercice au cours duquel elle a été constituée. A défaut, l’épargne non utilisée ainsi que les intérêts produits sont alors réintégrés dans les bénéfices de ce dernier exercice majorés du taux d’intérêt légal.
Aussi, la LFR 2015 permet de porter le montant de l’épargne bloquée sur le compte d’épargne dédié au moment de la constatation de la déduction jusqu’à 100 % (contre 50 % aujourd’hui) de la DPA , au choix de l’exploitant.
L’aléa économique peut résulter soit de la baisse de plus de 10% de la valeur ajoutée produite au titre d’un exercice par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents, soit de plus de 15% au terme de deux exercices.
L’utilisation de la DPA mobilisable est assouplie. Le plafond de réintégration en cas d’aléa non économique est supprimé et en cas d’aléa économique il peut être égal au montant le plus élevé entre la variation de lavaleur ajoutée et 50% du montant de DPA cumulé des intérêts capitalisés à la date de clôture de l’exercice précédent.
La DPA devient utilisable non seulement au titre de l’exercice mais également au titre de l’exercice suivant, quelle que soit la nature de l’aléa.
Le taux de l’intérêt légal en cas de non utilisation de la DPA pendant sept ans est celui en vigueur à la date de clôture de l’exrecice au cours desquelles elle est rapportée ua résultat."
Que pensez-vous de cette reforme ?
"On ne peut qu'approuver cette réforme qui était nécessaire même si elle est insuffisante .
Il est normal de rapprocher la fiscalité agricole des petits exploitants du régime micro-BIC ou micro-BNC en adoptant le régime du micro BA..
Cette réforme a été bien accueillie par le monde agricole, les organisations syndicales, les exploitants…. Cette modernisation du forfait agricole était appelée de leurs vœux depuis plusieurs années.
De plus, l’exonération des taxes locales durant cinq ans des nouvelles unités de méthanisation agricole devrait favoriser le déblocage des projets après quelques ajustements.
En ce qui concerne le DPA ce dispositif est sous-utilisé. Il faut assouplir ce système. Le blocage de 50% fonds doit être supprimé.
La réforme de ce dispositif va dans le bon sens mais ne va pas assez loin."
Qui est concerné par ces réformes des petits exploitants agricoles ?
"Une grosse moitié des petites exploitations est dirigée par des retraités : il s’agit pour l’essentiel d’un maintien en activité d’anciens chefs d’exploitation qui transmettent temporairement l’exploitation à leur conjoint dans l’attente d’une cessation d’activité commune. Quand ils ne sont pas retraités, les exploitants des petites unités ont souvent une activité complémentaire. Ils sont alors employés, ouvriers qualifiés ou même ouvriers agricoles d’une autre exploitation. Retraités ou non, ils passent peu de temps à leur ferme : 72 % y consacrent moins d’un quart de temps. Seuls 6 % y travaillent à temps complet contre 65 % des exploitants sur les unités de plus de 5 hectares ou équivalent. La formation des petits exploitants est succincte. Huit sur dix n‘ont bénéficié d’aucune formation agricole initiale ni de formation continue.
La crise touche-t-elle l’ensemble de ces exploitants ? Que pensez- vous de la crise actuelle du monde agricole ?
L’agriculture souffre dans le monde entier d’un gène dû à la mévente ou plutôt à l’insuffisance des prix de vente. La France n’échappe pas au malaise général.
Il est de plus en plus difficile de vivre sereinement en gérant une exploitation agricole. Beaucoup de crises ont secoué le monde agricole : la crise porcine, la crise aviaire, la crise laitière.... Même le secteur céréalier longtemps à l’abri a été touché par la baisse des prix des marchés. Il n’y a plus vraiment de productions à l’abri.
Le secteur viticole est moins touché de même que certains marchés de niche ou de qualité qui semblent les plus porteurs et solides actuellement. Le bio longtemps mis en avant a des difficultés à être rentable à grande échelle.
Indépendamment des exploitations qui ont une production reconnue par un signe de qualité, trop d’exploitations sont trop petites et insuffisamment performantes pour que leur production soit compétitive en termes de prix. Si le maintien des exploitations de type familial est louable notamment au regard de la ruralité, il n’en reste pas moins non plus que les exploitations comme n’importe quelle entreprise doit pouvoir se développer. Et cela sans parler d’exploitations industrielles.
De ce point de vue, la ferme « des Mille vaches » est emblématique alors qu’en taille, elle est petite par rapport aux exploitations que l’on peut voir chez nos voisins Danois, Espagnols et Allemands.
Sans aller nécessairement jusque là, il est indispensable d’assouplir le contrôle des structures agricoles pour permettre un développement maîtrisé des exploitations. Parallèlement, il faut restructurer les filères agricoles pour permettre de mieux résister à la pression des acheteurs et notamment de la grande distribution.
Il est également indispensable que comme dans les autres secteurs de l’économie, les charges qui pèsent sur le secteur agricole soient allégées car elles sont une entrave à la compétitivité surtout du fait du manque d’harmonie sociale au plan européen.
Un sursaut français est indispensable et urgent. "
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