18-03-2016
Qu'est ce que le droit à l'oubli ?
"Le droit à l'oubli permet à un individu de demander le retrait de certaines informations qui pourraient lui nuire sur des actions qu'il a faites dans le passé. Le droit à l'oubli s'applique concrètement soit par le retrait de l'information sur le site d'origine, on parle alors du droit à l'effacement, soit le plus souvent par un déréférencement du site par les moteurs de recherches, on parle alors du droit au déréférencement.
En pratique, il s'agit le plus souvent du droit au déréférencement de pages internets du moteur de recherche Google .
Le 13 mai dernier, la Cour de Justice de l’Union européenne a jugé que Google, responsable des traitements automatisés sur son moteur, avait l’obligation de supprimer, en résumé, les données non pertinentes, obsolètes ou inappropriées. Fin mai, Google a mis en ligne un formulaire dédié afin que quiconque puisse faire valoir ce droit à l’effacement (véritable dénomination du « droit à l’oubli » qui n’existe pas encore, juridiquement).
Après l’ arrêt de la CJUE , et la mise en œuvre de ce droit à l’effacement chez Google et les autres moteurs de recherche, la CNIL a publié une note explicative, en appui d'un dossier similaire publié par le G29. Elle y déverse son interprétation de l’arrêt de la Cour, tout en mettant en avant les critères utiles pour justifier un « droit à l’oubli ».
Dans ce document, la CNIL dresse en tout cas les critères qu’elle entend surveiller pour justifier, ou non, un droit au déréférencement, avec une précision de rigueur : ceux qui réclament un effacement ne sont pas obligés d’agir préalablement auprès du site référencé. Elles peuvent frapper directement à la porte des moteurs.
Nous en sommes au tout début de règles juridiques au contours flous encore. Moins de 2 ans après cet arrêt nous n'avons pas non plus le recul suffisant."
Qui est concerné par le droit à l'oubli ?
"Les personnes physiques.
Il n'est pas possible pour une entreprise de se prévaloir du droit à l'oubli, cependant, les dirigeants ou collaborateurs peuvent s'en prévaloir à titre personnel.
La faille actuelle du droit à l'oubli numérique concerne donc les personnes morales, grandes oubliées du dispositif, qui n'en bénéficie pas !
Pourtant, comme les personnes physiques, les personnes morales sont aussi victimes d'atteinte à leur réputation, non civile ou familiale comme les personnes physiques, mais bien commerciale.
La protection de la e-réputation des entreprises passe elle-aussi, par un droit à l'oubli numérique.
Les personnes morales doivent donc se battre avec d'autres armes, comme la concurrence déloyale, le droit commun de leur protection réputationnelle.
Bien qu'efficace s'il est utilisé avec rigueur, le droit à l'oubli numérique est aujourd'hui incomplet."
Comment définirez vous ce droit à l oubli ?
Maître Jérémie Courtois ,Avocat Cornet Vincent Segurel :
" En fait, plutôt que de parler de droit à l'oubli, la notion de « droit au déréférencement » semble plus adéquate pour cet arrêt. Il n'est pas question de « supprimer » une information, mais de ne plus la référencer dans les moteurs de recherche. Pour entrer dans le cadre de ce droit à l'oubli, l'information doit être une donnée à caractère personnel devenue avec le temps incomplète, inexacte, excessive ou plus pertinente
En France, le « droit à l'oubli » n'est pas nouveau. On trouve les premières traces de ce principe dans la Loi informatique et libertés de 1978. Celle-ci précise que des données personnelles peuvent être collectées lorsqu'elles « sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ».
Plus tard, en 2011, cette loi connaît une évolution fondamentale et étend le domaine de ce droit. Le texte ouvre ainsi à toute personne physique justifiant de son identité le droit d'exiger que soient « rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite ».
Le droit au déréférencement n'est prévu par aucun texte à ce jour cependant. Précisons dans ce cas que l'effacement ne concerne que les données traitées par le moteur de recherche et non les données d'origine."
Quelle a été l'attitude de Google depuis cet arrêt ?
Maître Jérémie Courtois ,Avocat Cornet Vincent Segurel :
" Si le cadre est plutôt rigide, la question de savoir si Google est légitime pour des demandes de déréférencements simples se pose.
En premier lieu Google, qui accapare la grosse majorité des recherches en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord. Et c'est justement Google qui, en premier, a mis en œuvre un formulaire pour se mettre en conformité. Google permet toutefois de distinguer un élément important : la dualité entre le droit au respect de la vie privée d'un côté, et le droit à l'information de l'autre. Un difficile équilibre à trouver pour les spécialistes . Car le droit à la liberté d'expression est lui aussi très encadré.
Une demande de déréférencement adressée à un moteur de recherche doit donc être très bien motivée, sachant que ce n'est pas un tribunal qui statue (du moins en premier lieu), mais une société privée, nord-américaine de surcroît (Google, Microsoft pour Bing, Yahoo...), pour qui le droit d'expression est extrêmement fort. Le droit à l'oubli est désormais reconnu, mais il s'agit d'un droit pondéré, pas systématique. Il faut qu'il y ait matière à modifier ou effacer des données.Google a reçu 300000 demandes de déréférencement en Europe.Les internautes ont essuyé un refus pour 60% d'entre eux.
Pour autant , on ne compte que 200/300 plaintes juridiques de personnes physiques. Les procédures sont coûteuses 2000 à 5000 euros et seuls ceux qui en font une question de principe ont lancé une procédure juridique. Une fois le procès gagné l internaute ne peut espérer qu un gain financier faible soit uniquement le remboursement de ses frais de procédure juridique ."
Quels internautes ont ils reçus le plus de refus de google ?
Maître Jérémie Courtois ,Avocat Cornet Vincent Segurel :
"Une personnalité ou un professionnel peut faire une demande à titre personnel. Il est souvent difficile de dissocier vie privée et vie professionnelle des dirigeants, des peoples ... ce qui rend une demande de déréférencement encore plus difficile.
Google se montre intransigeant avec toute demande de « déréférencement » relative à une information liée à la vie professionnelle d'une personne.Si la demande concerne une information relevant de sa vie privée, Google juge en fonction du degré de publicité de la personne. Mais, dès lors qu'il s'agit du domaine professionnel, la réponse est catégorique : c'est systématiquement non.
Il s'agit d'assurer un strict équilibre entre droit à l'oubli et droit à l'information. Dès lors, seules peuvent être utilisées des solutions classiques : l'attaque judiciaire en cas de diffamation avérée ou avec des prestataires spécialisés dans la gestion de l'e-réputation"
Quels conseils donneriez vous à des internautes victimes de pages internet qui nuisent à leur image ?
Maître Jérémie Courtois ,Avocat Cornet Vincent Segurel :
"Consulter un avocat pour rédiger le formulaire Google qui a nettement plus de chances d’être accepté. Il en coute 200 à 300 euros pour cette simple démarche.Généralement Google déréférence en moins d un mois les pages demandées.
Dans le cas d'un refus, tout internaute peut s'adresser à la CNIL qui a une position plus bienveillante pour protéger la vie privée des personnes physiques .La CNIL peut imposer à Google sa décision . Là encore la consultation d un avocat spécialiste est un plus pour obtenir gain de cause pour rédiger une demande à la CNIL."
Plus d'infos:
Commission Nationale Informatique et Libertés DROIT AU DEREFERENCEMENT Les critères communs utilisés pour l’examen des plaintes
Formulaire Google
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